Communiqué de presse du 30/11/2023 sur Mediapart
VA-T-ON NOUS DEMANDER DE NE PLUS SOIGNER NOS PATIENT-E-S ? Nos centres de santé et maisons de santé pluriprofessionnelles refusent la suppression de l’AME . Communiqué commun d’AVEC santé, de la Fédération Nationale des Centres de Santé et du Réseau des Centres de Santé Communautaire
Alors que le projet de loi immigration est actuellement discuté au Parlement, le Sénat a voté la suppression de l’Aide Médical d’État (AME). Dans nos structures de santé de premier recours, nous recevons tous les jours des bénéficiaires de l’AME. Certains d’entre nous accompagnent en outre des personnes éligibles à surmonter les nombreux obstacles, notamment administratifs, pour accéder à ce droit.
Rappelons que, selon les données officielles disponibles le taux de non-recours à l’AME atteint 49%(1). L’AME représente seulement 0.4% des dépenses de santé. La supprimer entraînerait des retards de diagnostic avec pour conséquence des soins plus complexes, plus longs, plus douloureux et donc in fine plus coûteux humainement et économiquement !
Les études(2) le montrent, et nous l’observons dans nos consultations : les bénéficiaires de l’AME sont en grande précarité, plus souvent malades et particulièrement exposé·es aux risques de santé en raison de leurs conditions de vie. Autrement dit, ces personnes sont particulièrement touchées par les inégalités sociales de santé. En Espagne, la réforme de 2012 leur réduisant l’accès aux soins a été abandonnée en 2018 devant la mise en évidence d’une surmortalité(3) des personnes sans papiers.
Il est impensable pour nous de refuser nos soins à des personnes en raison de leur situation
administrative. Nous avons un devoir déontologique de donner des soins à toute personne les demandant et en toutes circonstances. Supprimer ou ajouter de nouvelles restrictions de l’AME créerait une situation intenable dans nos structures. Devrons-nous-nous stopper la prise en charge de nos patient-e-s ? Pour les orienter vers les Permanences d’accès aux soins de santé (PASS), déjà largement saturées ? Ou bien vers les urgences, toutes aussi saturées, à cause d’un recours tardif aux soins ?
Dans le projet proposé, l’AME serait remplacée par l’aide médicale d’urgence pour « les maladies graves, les douleurs aiguës, les soins de grossesses et les vaccinations ». Pourtant, il est largement documenté que les prises en charge tardives de pathologies sont plus coûteuses pour le système de santé. Il faut garantir un accès en santé de premier recours à l’ensemble de la population sans distinction. Le contraire serait un non-sens en termes de santé publique et économique.
Plutôt que supprimer l’AME, il serait plus pertinent d’inclure ses bénéficiaires dans le régime général de la Sécurité sociale. De nombreuses institutions(4) se sont prononcées en ce sens soulignant que cela permettrait de lutter efficacement contre le non-recours et le renoncement aux soins. Cette inclusion consacrerait enfin une vraie couverture maladie universelle.
30 novembre 2023
AVECsanté : communication@avecsante.fr
FNCS : Dr Hélène Colombani – President@fncs.org – 06 68 05 94 20
RCDSC : contact@reseau-cdsc.fr
(1) IRDES 2019, « Le recours à l’aide médicale de l’Etat des personnes en situation irrégulière en France : premiers
enseignement de l’enquête Premiers pas », Questions d’économie de la santé, n°245
(2) Rapport de l’Observatoire de l’accès aux soins de Médecins du monde 2022, 8 décembre 2022.
(3) GISTI 2019 – L’Aide médicale de l’Etat : un filet de sécurité pour la santé publique à ne plus restreindre
(4) IGAS, Académie de médecine, Défenseur des droits notamment