Le réseau des centres de santé communautaire organise une campagne de rencontres et d’actions autour du thème “Santé et habitat”.
Parce que trop d’habitant-e-s viendront grossir les rangs des personnes à la rue dès le lendemain de la fin de la trêve hivernale des expulsions locatives le 30 mars prochain. Parce que se loger convenablement devient de plus en plus dur. Parce que ces conditions de vie, où se cumulent souvent différents facteurs de précarité, ont un impact défavorable majeur sur l’état de santé. Au point que le travail des soignant-e-s ne peut plus grand-chose. Au point que les inégalités sociales se creusent toujours plus. Pour ces raisons, le Réseau des centres de santé communautaire se mobilise en avril et interpelle les pouvoirs publics devant l’étendue du désastre sanitaire et social qui frappe notre population.
Les juristes dénoncent les atteintes aux droits ; les scientifiques attestent des atteintes à la santé des populations. Espérance de vie réduite, prévalence de pathologies graves plus importante, précocité de l’apparition de pathologies chroniques… ce sont des indicateurs tangibles exprimant l’impact d’un déterminant de la santé, et contre lesquels la médecine seule ne peut rien.
Ce sont des choix politiques qui accompagnent ces réalités : l’offre publique de logement est insuffisante, l’habitat insalubre et dégradé qui menace directement la vie des habitant-e-s ne se résorbe pas, les dispositifs d’hébergement d’urgence sont saturés et inadaptés… sur l’ensemble de ces questions les pouvoirs publics ont des leviers. Ce sont donc des décisions politiques volontaires qui peuvent inverser ces tendances, or les plus récentes décisions gouvernementales en la matière, au contraire, inquiètent.
Les centres de santé communautaires rassemblés dans le RCDSC engagent une campagne d’actions coordonnées « Santé-Habitat » tout au long du mois d’avril. De Rennes à Échirolles, de Toulouse à Saint-Denis, en passant par Vaulx-en-Velin, Marseille, Montpellier ou Hennebont, les habitant-e-s des quartiers où sont implantés les centres de santé communautaire et les équipes professionnelles de nos centres, confrontés ensemble aux difficultés liées au logement se mobilisent et prennent la parole.
Activités prévue à partir du 02/04 :
- création de panneaux d’expression du mal-logement et lancement d’une exposition photo
- 21/05 Café mensuel – Retour sur le mois et partage d’expériences
- 23/04 – 15h30/17h30 – Goûter/Vernissage de l’exposition photo
- atelier peinture-kraft slogans mal logement
- atelier calicots et accrochage de slogans dans le quartier
- atelier « Fabrique ta maison en carton »
- Plateau radio autour de la santé et de l’habitat
Toulouse, quartier Arnaud Bernard :
- 02/04 – porteur de parole sur la place
- rencontre collectifs de la ville et usager-e-s
- atelier santé environnementale et logement
- exposition photo
Vaulx-en-Velin, quartier La Thibaude :
- permanences « vécus du mal-logement »
- 19/04 – atelier « Mon logement et ma santé »
- 25/04 – création d’un visuel avec les usager-e-s
- décoration du centre sur le thème logement et santé
- 03/04 – porteur de parole – « Un logement pour tout le monde: un rêve? »
- 04/04 – exposition BD « mal se loger en 5 étapes« , porteur de parole le 03/04 et café en compagnie du collectif TUT.
- 04/04 – Kafedi – Café du jeudi après-midi avec l’association TUT « Tous-tes Un Toit »
Échirolles, quartier Village 2:
- 11/04 – 10h/12h – porteur de parole – « Je me sentirais mieux si mon logement était…? »
- 23/04 – 18h30/20h30 – soirée débat – « Le mal logement nuit à ma santé: organisons nous! »
- Le village 2 radio – Émission de radio participative
- Exposition photo / affichage de textes
- atelier santé environnementale et logement
- Présentation des associations du logement d’abord: « un chez soi d’abord »
D’autres initiatives sont déjà programmées. Le programme des différentes initiatives sera progressivement actualisé sur www.reseau-cdsc.fr
Santé et mal-logement: quelques chiffres
Les centres de santé communautaire sont des lieux de santé pluriprofessionnel au plus proche des habitantEs, organisés pour lutter contre les inégalités sociales de santé, c’est à dire que nous essayons d’agir positivement sur les déterminants sociaux, économiques et environnementaux de la santé. Nous nous inscrivons dans une démarche de santé communautaire : il s’agit de prendre en compte l’expertise des membres de la communauté (des habitantEs, des malades, …) pour évaluer, prioriser, décider et mettre en œuvre les actions nécessaires à l’amélioration de leur état de santé.
La question du mal-logement en tant que déterminant social de la santé, est un enjeu majeur de santé publique. L’espérance de vie d’une personne à la rue est de 48 ans. Le mal-logement c’est aussi l’humidité excessive et la contamination par les moisissures (en France métropolitaine, entre 14% à 20% des logements présentent des moisissures) entrainant une majoration des symptômes respiratoires notamment chez les personnes à risque ; l’infestation par les punaises de lit ; une mauvaise isolation (trop froid en hiver ou trop chaud en été) ; le bruit et la pollution intérieure ; ou encore le surpeuplement. Habiter dans un logement dégradé, conduit également à un processus de stigmatisation, de perte d’estime de soi. Les effets de la mauvaise qualité du logement et de sa suroccupation sur la santé mentale, la dépression, l’anxiété ont été scientifiquement démontrés.
Selon l’OMS Europe, on compte chaque année en Europe près de 130 000 décès associés à des conditions de logements inadéquates.
Le 31 mars 2024 sonne la fin de la trêve hivernale sur les expulsions locatives. Nous avons choisi symboliquement de nous mobiliser autour de ces questions avec les habitantEs dans nos centres de santé, avec de premières initiatives du 2 au 6 avril dans le cadre d’une campagne qui durera le mois d’avril 2024”
Selon le rapport annuel 2024 de la Fondation Abbé Pierre, 26 % des ménages ont eu froid chez eux en 2023 (14 % en 2020). On a dénombré 767 000 interventions pour impayés d’électricité en 2022 (553 000 en 2019), 93 000 ménages prioritaires Dalo sont en attente de relogement en 2022 (78 000 en 2021), 330 000 personnes sont sans domicile (143 000 en 2012), 8 351 personnes en demande non pourvue au 115 chaque soir dont plus de 2 822 mineurs le 2 octobre 2023 et 2,4 millions de ménages sont en attente d’un logement social en 2022 (2 millions en 2017).
Alors que seulement 93 000 logements sociaux ont été financés en 2023 (125 000 en 2016), face à ce désastre, le gouvernement ne propose rien d’autre que de saccager la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) qui prévoit depuis l’année 2000 que chaque commune intègre 25 % de logements sociaux à son parc immobilier.
Dans les grandes métropoles et notamment à Toulouse, la situation de l’hébergement d’urgence est dramatique : alors que chaque mois 2000 personnes différentes se voient opposer un refus à leur demande d’hébergement au 115, en 2023, au moins 700 personnes dont plus de 300 enfants ont été mises à la rue en toute illégalité par les services de l’Etat alors qu’elles étaient hébergées. Le tribunal administratif a d’ailleurs annulé plusieurs de ces mises à la rue et a enjoint la Préfecture de prendre en charges les familles concernées.
Dans la nuit du 16 décembre 2022 à Vaulx-en-Velin, un incendie dans une copropriété préalablement identifiée comme dégradée par la Métropole a fait perdre la vie à 10 personnes et plus de 30 familles ont dû abandonner leur logement.
A Marseille, dans le quartier du Parc Kalliste, des bailleurs mettent en danger les habitantEs en laissant les bâtiments à l’abandon. Le 30 janvier 2024, un enfant de 4 ans est décédé et d’autres personnes ont été gravement blessées suite à un incendie. L’enquête pour déterminer les responsabilités est en cours.
A Rennes, le dispositif d’hébergement d’urgence est saturé, laissant sans solution toute nouvelle demande de prise en charge. C’est la résultante de l’arrivée depuis plusieurs mois de personnes déplacées depuis Paris et sa région, en amont de l’organisation des Jeux Olympique, dans le cadre du “desserrement” des dispositifs de la région parisienne organisé par le gouvernement.
Le saturnisme, cette maladie provoquée par l’ingestion ou l’inhalation de poussières de plomb, et qui touche particulièrement les habitantEs de logements insalubres, continue de frapper les plus fragiles. Comme l’Association des familles victimes du saturnisme, c’est avec les personnes concernées que nous voulons mener ces combats pour le droit au logement digne.
Les pouvoirs publics s’appliquent méthodiquement à détruire nos acquis sociaux et notre système de protection sociale, mais nos centres de santé communautaire n’ont pas vocation à être des solutions de proximité bas de gamme pour pallier un système qui accentue les inégalités sociales de santé.
Parce que nous sommes proches du corps des personnes au quotidien, nous voulons être des vigies du fonctionnement de cette société et de ses impacts sur la santé de nos patientEs. C’est avec elles et eux que nous comptons nous mobiliser et construire les rapports de force nécessaires pour lutter efficacement contre les inégalités sociales de santé et remettre la notion de justice sociale au centre des préoccupations.